Homélie – 31ème dimanche du temps ordinaire -Thierry Durroux
Vous le savez, méditer la parole de Dieu nous invite à la conversion, nous entraîne plus loin, nous aide à avancer sur cette route qui mène à Dieu. Aussi aujourd’hui, à partir des textes que nous offre la liturgie, je vous propose de faire trois pas :
Le premier pas sera de considérer que les deux commandements que Jésus puise dans les écritures et nous redonne, n’en forment en fait qu’un. À la question du scribe « quel est le premier de tous les commandements ? », Jésus en donne deux : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu » et « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Et nous pouvons peut-être avoir tendance alors à suivre séparément ces deux commandements, à séparer notre vie de foi du service de la charité. Nous pourrions alors, dans le meilleur des cas, faire du service de la charité un prolongement de notre prière et de notre méditation ; le service de la charité serait comme secondaire à notre vie de foi. Et ce risque au niveau individuel est peut-être plus fort encore au niveau de nos paroisses. En effet, parmi les trois piliers que sont la méditation de la parole de Dieu, les sacrements et le service des frères et sœurs, le dernier est certainement celui que nous avons le plus de mal à vivre ensemble au sein de nos paroisses… et cela n’est pas spécifique à notre paroisse ! Nous nous réunissons pour prier ensemble, pour méditer ensemble, pour célébrer ensemble les sacrements, mais nous avons plus de mal à vivre le service de la charité ensemble.
Pourtant le service du prochain ne peut être qu’une simple conséquence de notre attachement, de notre foi en Dieu, et les Écritures ne cessent de nous le rappeler. Si Jésus donne au scribe deux commandements alors que celui-ci demandait le premier, c’est parce qu’ils sont liés. Dans l’Évangile de Matthieu, Jésus dit bien que le second commandement est semblable au premier. De même encore dans l’Évangile de Matthieu au chapitre 25, Jésus déclare à ceux qui sont à sa droite : « j’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli », chapitre qui se conclut par « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. ». Les épitres de Jean et de Jacques nous disent la même chose : « celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. »
Le service de la charité n’est donc pas secondaire, un simple prolongement de notre prière, mais il est, au même titre que la méditation de la parole de Dieu et la réception des sacrements, la source qui nous révèle Dieu. Nous confions bien souvent le service de la charité à des organismes ou mouvements, la Société Saint Vincent de Paul, l’Ordre de Malte, le Secours Catholique, qui d’ailleurs le font très bien. Mais dans le même temps, nos communautés se privent d’un chemin pour rencontrer Dieu. Il ne s’agit pas de supprimer ces organismes mais d’inventer ensemble des chemins pour mieux aimer nos frères et sœurs, et par conséquent mieux aimer Dieu.
Cela nous conduit au second pas que nous pourrions faire : comprendre comment Jésus a vécu ces commandements. En accomplissant les Écritures, Jésus a, en quelque sorte, transformé ces deux commandements et nous a dit : « je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés ». Comment Jésus a-t-il aimé ? Auprès de ces disciples, Jésus a été le guide, l’enseignant qui leur a ouvert un chemin de vie. Auprès de tous ceux que la société rejetait - veuves, malades, prostituées, publicains - il s’est fait miséricordieux, il les a soignés, il les a guéris, les a rétablis dans leur dignité. Enfin à ceux qui l’ont trahi, à ses ennemis, à ceux qui l’ont fait mourir sur la croix, il a accordé son pardon, il les a sauvés ! Autrement dit, Jésus est descendu au cœur de nos ténèbres pour nous montrer un chemin de vie.
Aimer comme Jésus nous aime, c’est donc accepter de lui suivre et de descendre dans les ténèbres pour rejoindre nos frères et sœurs et leur porter la lumière du Christ.
Cela nous amène au troisième pas que j’intitulerai « écoutons, construisons et forons » ! Je voudrais prendre une comparaison : peut-être certains d’entre vous connaissent-ils cette autoroute qui part de Vintimille et va à Gênes. Elle longe la côte et nous donne d’admirer l’immensité de la mer et de découvrir de magnifiques paysages. Cette autoroute n’a été construite que grâce au génie de l’homme car elle est une succession de pas moins 67 tunnels et 90 ponts sur un tronçon d’un peu plus de 100 km, ouvrages nécessaires pour franchir des ravins et traverser des montagnes.
Ce que le génie de l’homme a fait pour une route, ne pourrions-nous pas le faire pour rejoindre ceux qui sont dans la détresse ? Commençons par les écouter. Le premier commandement commence par « écoute Israël », faisons la même chose, commençons par écouter la souffrance de l’humanité, qui est aussi la souffrance de Dieu ! Puis construisons des ponts pour les rejoindre au cœur de leurs ténèbres et forons des tunnels pour que ces lieux ne soient pas des voies sans issues mais puissent déboucher sur un ailleurs ! Et, pour paraphraser Saint François d’Assise, que là où est le désespoir, que nous mettions l’Espérance, que là où est la haine, que nous mettions l’amour, que là où est l’offense, nous mettions le pardon, que là où sont les ténèbres, que nous mettions la lumière, que là où est la tristesse, que nous mettions la joie.
Il nous sera donné d’admirer non pas l’immensité de la mer mais l’immensité de Dieu, non pas des paysages mais de vivre dans le royaume de Dieu.
La première lecture nous invitait à garder les commandements dans notre cœur. Puissions-nous les y graver car ils sont la source de notre vie !